Dimanche 15 octobre 2023
Assurance chômage : bilan de 20 ans de démolition
L’assurance chômage a subi de nombreuses attaques depuis l’instauration des contrôles de disponibilité en 2002.
Aujourd’hui, la FGTB wallonne dresse le bilan de 20 années de démolition de l’assurance chômage, et ses conséquences, et fait le point sur les nouvelles menaces qui pèsent sur notre modèle social.
C’est en particulier sur la dernière décennie que le plus grand nombre de mesures de restrictions et suppressions de droits ont été prises : dégressivité accrue des allocations de chômage, limitation dans le temps des allocations d’insertion, restrictions d’accès aux RCC (ex-prépensions) et allocations d’insertion, suppression de compléments et dérogations diverses, renforcement des contrôles et sanctions, etc.
Dans son dossier, la FGTB wallonne a recensé les effets combinés de ces différentes mesures et a fait le point sur les profonds bouleversements qu’elles ont éntraînés :
- une baisse drastique du nombre de demandeuses et demandeurs d’emploi indemnisés ;
- une hausse du nombre de sans emploi non indemnisés par l’ONEM ;
- au niveau wallon, le ratio demandeurs d’emploi indemnisés vs. non indemnisés est passé de 80% – 20% à 60% – 40% en moins de 10 ans !
- si la tendance actuelle se poursuit, il y aura d’ici 2026, plus de chômeuses et chômeurs wallons non indemnisés qu’indemnisés.
- le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS) a explosé.
On continue à foncer dans le mur ?
Comme si cela ne suffisait pas, et malgré l’inefficacité avérée des politiques d’exclusion, la limitation des allocations de chômage dans le temps est préconisée par plusieurs partis, la plupart d’entre eux en faisant même un incontournable des futures négociations gouvernementales. Si une telle mesure devait être mise en place, elle aboutirait, ni plus ni moins, à la quasi extinction du chômage indemnisé et à une nouvelle explosion du nombre de bénéficiaires du RIS.
Sans aborder l’angle de son inefficacité, déjà traitée en février, cette mesure sera ici évaluée à l’aune de ses conséquences sociales et de son impact sur les CPAS wallons.
Et le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agirait d’une explosion de notre modèle social, qui passerait d’un système de protection sociale assurantielle – la sécurité sociale – vers un modèle du 19ème siècle, basé sur l’assistanat.
Le dossier de la FGTB wallonne revient sur plusieurs contre-vérités, amalgames et mensonges véhiculés sur l’assurance chômage. Il reprend également plusieurs données statistiques, ainsi que leur évolution dans le temps : nombre de demandeuses et demandeurs d’emploi indemnisés et non indemnisés, chômeuses et chômeurs dits « de longue durée » qui seraient concernés par une éventuelle limitation dans le temps des allocations de chômage, ainsi que let nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale.
Un travail de projection de poursuite de cette tendance et de la mise en œuvre d’une limitation à 2 ans des allocations de chômage a également été mené. Pour ce dernier aspect, une projection de son impact sur les CPAS wallons a également été réalisée.
Le véritable objectif des mesures d’exclusions ? La précarisation de l’emploi !
Car il n’y a en réalité aucune justification qui résiste à l’analyse des faits : l’exclusion appauvrit, réduit à néant les chances d’insertion professionnelle, éloigne de l’emploi et précarise le marché du travail.
Car c’est bien cela, le véritable objectif, jamais avoué, des défenseurs des politiques d’exclusion : appauvrir et diminuer le niveau de protection sociale pour faire pression à la baisse sur les salaires et conditions de travail. Appauvries, contrôlées de toutes parts, exclues et stigmatisées, les personnes sans emploi seraient prêtes à accepter le premier job précaire venu. Si elles n’y sont pas contraintes par un quelconque système de travail obligatoire, comme certains en rêvent.
Certains accusent la FGTB wallonne de « défendre le chômage et non l’emploi ». La FGTB wallonne défend l’assurance chômage pour défendre l’emploi de qualité ! Contre le cercle vicieux de l’exclusion et de la précarisation, nous optons pour le cercle vertueux d’une protection sociale et d’un emploi de qualité.
Et si on changeait de cap ?
Cela passe par des politiques positives, d’accompagnement non répressif des demandeuses et demandeurs d’emploi, comme le modèle des cellules de reconversion ou de Coup de Boost. Cela implique aussi une réorientation des aides publiques à l’emploi (plus de 450 millions au niveau wallon !) vers les personnes « les plus éloignées de l’emploi ».
Enfin, on ne pourra faire l’impasse sur la grande absente des débats actuels : la création d’emplois… durables et de qualité ! Seule la réduction collective du temps de travail – avec maintien du salaire et embauche compensatoire – nous permettra de sortir, enfin et durablement, du chômage de masse que nous connaissons et subissons depuis trop longtemps.