Mercredi 24 mai 2023
Jugement « Delhaize » à Mons : fort avec les faibles, faible avec les forts
Ce matin, le Tribunal de Première instance de Mons a rendu son jugement dans l’affaire opposant Delhaize aux travailleuses et travailleurs en lutte contre la précarisation de leurs emplois. Un jugement qui constitue un énième coup porté contre la démocratie sociale, le droit de grève et son exercice.
Balayant le principe de non-immixtion de la justice dans les conflits collectifs de travail – un principe pourtant reconnu par la Cour de cassation en 2022 -, le Tribunal a donné raison aux arguments de la multinationale. Comme le craignait Jean-François Tamellini, Secrétaire général de la FGTB wallonne, dans une carte blanche[1] publiée hier, le jugement rendu ce matin consacre la primauté du droit économique sur tous les autres. En d’autres mots, pas question pour les travailleuses et travailleurs d’entraver la bonne marche économique d’une entreprise !
Cette décision n’est malheureusement qu’une étape de plus dans la dérive inquiétante que connaît notre pays. Intimidations et harcèlements de délégué·es, judiciarisation des conflits sociaux, recours aux huissiers et astreintes, arrestations arbitraires, déploiement d’autopompes et de policiers casqués sur les piquets… C’est aujourd’hui tout un arsenal qui est déployé contre des travailleuses et travailleurs qui se mobilisent tout simplement pour leurs droits. On a même vu, à plusieurs endroits, des forces de police exiger que les militant·es retirent leurs vestes aux couleurs de leur organisation syndicale !
La logique du jugement rendu ce matin correspond malheureusement trop bien à ce contexte actuel : fort avec les faibles, faible avec les forts. Un contexte qui fleure plus le XIXème siècle que le XXIème. Une dérive qui ne menace pas que le droit de grève mais l’ensemble de nos droits fondamentaux. Comme à chaque fois dans l’Histoire lorsque les droits sociaux, les contre-pouvoirs et l’action collective ont été visés.
Le patronat, lui, n’a plus de faux-semblant, il a fait du conflit Delhaize son fer de lance, l’élément central de sa stratégie de tentative de destruction de la démocratie sociale. Une stratégie que le monde du travail ne laissera pas passer.
Lundi, plus de 25.000 personnes ont manifesté contre la criminalisation de l’action syndicale et des mouvements sociaux. Elles doivent être entendues. Et le mouvement doit continuer à s’étendre à l’ensemble des contre-pouvoirs, à la société civile, aux progressistes, à tous ceux et celles qui refusent la résignation et veulent se battre pour une société plus juste.
[1] https://www.lesoir.be/514937/article/2023-05-23/droit-de-greve-versus-droit-du-travail