MERCREDI 17 NOVEMBRE 2021
LES MOTS D'ACTU #2 : Indispensable grève
Un billet de Jean-François Tamellini, Secrétaire général de la FGTB wallonne
La grève est le dernier recours en cas de conflit social. Contrairement à ce que certains médias, politiques ou patrons laissent trop souvent entendre, les travailleuses et les travailleurs ne font en effet pas grève « par plaisir »… Mais parce que les autres outils de la concertation sociale n’ont pas fonctionné !
Un plan de licenciements ou une délocalisation pour une entreprise largement bénéficiaire ; un refus de l’employeur de trouver des alternatives pour sauver des emplois ou d’augmenter les salaires au profit des dividendes… Ce ne sont que quelques exemples de situations où les salariées et salariés sont contraints d’agir et de réagir.
Rapport de force
Plus largement, au niveau interprofessionnel, la grève permet aussi d’enclencher un rapport de force à la hauteur des attaques patronales contre le monde du travail : stagnation du salaire minimum, relèvement de l’âge de la pension, détricotage de l’assurance chômage… Les combats interprofessionnels passent par la rue et par l’arrêt de l’économie au moyen de la grève.
C’est grâce au droit de grève et de manifester, porté par les organisations syndicales, que des avancées sociales majeures ont pu être obtenues : congés payés, interdiction du travail des enfants, journée des 8 heures… Et plus récemment, l’opposition à la pension à points ou à la réforme des APE en Wallonie. Cette dernière bataille, de longue haleine, a permis d’éviter la perte de milliers d’emplois au service de la population et a permis d’aboutir à une réforme qui a non seulement sauvé ces emplois mais en a même créés !
Grève générale en 2015…
Rappelez-vous : en 2015, la FGTB avait appelé à la grève générale pour s’opposer au gouvernement Michel et à ses politiques ultralibérales. Dans le viseur du gouvernement, il y avait notamment les soins de santé.
La FGTB était dans la rue pour refuser les économies prévues sur le dos des malades en dénonçant les centaines de millions de subsides reçus par les entreprises pharmaceutiques, malgré de plantureux bénéfices.
Depuis, la crise Covid nous a frappés de plein fouet. L’ironie du sort ? Les économies sur le dos des malades et sur la santé ont empêché la Belgique de gérer correctement le début de la pandémie. Les stocks de masques brûlés par la ministre de la santé, Maggie De Block, en sont l’exemple le plus flagrant et intolérable…
En 2015, la FGTB avait raison de manifester. Et pourtant, 17 syndicalistes ont été traduits devant la justice pour avoir exercé leur droit de manifester… L’action de grève, la contestation, la mobilisation sont devenues des « entraves méchantes à la circulation ».
… Condamnation en 2021
Le 19 octobre dernier , ces 17 syndicalistes ont vu leur condamnation confirmée, voire renforcée, par la Cour d’Appel… Désignés coupables pour s’être « méchamment » opposés à des politiques gouvernementales sur le dos de la population et des plus faibles.
Le lendemain de ces jugements, un groupe de pression indépendant de policiers manifestait dans les rues de Bruxelles. Leur moyen d’action ? Le blocage de différents carrefours… Mais, dans ce cas-ci, toujours pas l’ombre d’une enquête ou de quelconques poursuites.
Car le jugement liégeois est un jugement politique qui tente, en sanctionnant plus sévèrement les responsables syndicaux, d’introduire, via la jurisprudence, les notions de responsabilité collective voire la personnalité juridique des organisations syndicales.
Nous sommes face à une justice de classe où les opposants aux ravages du capitalisme sont reconnus coupables et où les complices d’un système visant à écraser les plus faibles ne sont nullement inquiétés.
L’arrêt de la Cour d’Appel de Liège nous ramène 100 ans en arrière, à une époque où les conflits sociaux étaient bien plus saillants… Rappelons seulement à nos adversaires, qu’à l’époque, nos prédécesseurs et leurs moyens d’action étaient, eux aussi, bien plus radicaux !
Cette décision de justice va-t-elle empêcher la FGTB de contester? Certainement pas !
Il est de notre devoir de continuer le combat sur le plan juridique, pour contester un arrêt injuste qui vise à empêcher toute forme de résistance contre le système capitaliste. Demain, les jeunes qui manifestent pour le climat, les associations qui réclament des droits pour les sans-papiers, les féministes qui descendent dans la rue pour l’égalité… seront du mauvais côté selon la justice. C’est inacceptable !
Il est aussi de notre devoir de continuer à porter le combat sur le terrain, dans la rue, dans les entreprises. Exercer notre droit de grève quand c’est nécessaire. Les conflits récents chez Nivelles Logistics, Lidl ou dans le secteur de la chimie le démontrent.
Enfin, il est de notre devoir de compléter notre arsenal avec des actions plus ciblées qui fassent mal au portefeuille du capital. Car c’est le seul moyen d’inverser le rapport de force et de faire réellement changer les choses. Dans l’intérêt des travailleuses, des travailleurs et de la planète…
Résister est un devoir !